UN BATEAU pour s'en sortir ensemble. « Cependant, le cœur de notre sujet, souligne son concepteur, le Dr Jean-Yves Chauve, le médecin bien connu des skippeurs, n'est pas sur l'eau, mais à terre. » Dans les hôpitaux. Exactement dans les services pédiatriques, où un millier de petits hospitalisés dans une vingtaine de centres hospitaliers, en France ou en Belgique, sont appelés à la rescousse des Matelots, eux-mêmes des ex-malades, en rémission ou guéris après des cancers, des greffes ou d'autres sérieuses épreuves. Ils se sont battus pour survivre, acquérant une sorte d'exemplarité pour leurs camarades hospitalisés.
Sécurité médicale maximale. À bord de la goélette « la Déferlante », affrétée par la société Seanergie et l'association le Patriarche, ils vont appareiller au mois de juillet, mais pas pour une croisière thérapeutique. « Leur histoire médicale, insiste le Dr Chauve, est certes en filigrane, mais ces jeunes, âgés de 12 à 16 ans s'en sont sortis et ils ne présentent pas de séquelles apparentes. Nous refusons de céder au misérabilisme. » Chacun des huit Matelots a été sélectionné par son établissement de soins justement pour son aptitude à reconquérir, hors structure, son autonomie, à réapprendre une vie en groupe, en larguant les amarres de sa propre histoire médicale. Bien sûr, la sécurité médicale à bord sera maximale : télémédecine avec moyens de transmission satellitaires à l'égal de ceux dont bénéficient les skippeurs du Vendée Globe, constante vigilance du personnel de « la Déferlante », choix d'une navigation à proximité des côtes, pour permettre un débarquement rapide, sur des eaux et en une saison réputées sûres, en Méditerranée. Après les premières éditions, à bord du « Fleur de Lampaul », un vieux gréement de la Fondation Nicolas Hulot, qui a caboté autour de la Corse, le programme 2009 va conduire les Matelots aux îles Eoliennes en croisant par la Corse et la Sardaigne. Du 3 au 30 juillet, l'aventure, proposée en lien avec les spécialistes du conservatoire du littoral et des parcs naturels, permettra aux enfants de découvrir les trésors du littoral, avec, à chaque escale, des énigmes à résoudre autour de la faune et de la flore en milieu insulaire et volcanique.
Compagnonnage. Et c'est alors que se noue le lien entre les enfants embarqués et ceux qui rament encore dans le confinement de leur chambre d'hôpital. Entre les adolescents du large et ceux qui sont cloués au lit, entre ceux que fouettent les embruns et ceux qui sont enfermés dans les univers aseptisés, l'aventure est partagée, via Internet. Philippe Maggi, un professeur d'histoire-géographie, a conçu une batterie de questions autour de l'univers maritime, de la biodiversité et de l'environnement « Des ordres de mission quotidiens, explique Marie-Noëlle Levaux, professeur des écoles, l'une des animatrices de 1 association, sont donnés aux Matelots par les enfants des hôpitaux partenaires à travers des jeux-énigmes qu'ils doivent résoudre. Sans les bonnes réponses données par les seconds, les premiers ne peuvent progresser. En retour des films sont tournés aux escales qui sont télétransmis aux services pédiatriques, sous la houlette d’un technicien embarqué. »
Au long de cette chasse au trésor, un compagnonnage se crée, qui change la vie dans les services hospitaliers partenaires. « Tous les jours, l'énigme est affichée et remise aux enfants, à leur famille et à l'équipe de chaque unité, explique un cadre de pédiatrie du CH de Saint-Nazaire ; ensemble, nous recherchons des indices sur Internet et dans des livres, ou en interrogeant des spécialistes, pour regrouper nos réponses et les envoyer aux Matelots enfin d'après-midi. Ce jeu a rythmé et enchanté notre été, l'an dernier, il nous a fait sortir de l'univers hospitalier. »
« Pendant toute l'expédition, les personnels et les patients ont régulièrement fait "le point", attendant les vidéos, les commentant, oubliant la maladie et leur cafard en découvrant un autre univers, en partageant l'espoir et l'énergie des Matelots », constate aussi le directeur de l'hôpital pédiatrique de Bullion (Yvelines). À chaque aventure, médecins, infirmiers, éducateurs témoignent du changement qu'ils vivent ainsi dans leur relation avec leurs patients. Comme dit Mathieu, 17 ans, « pour répondre aux énigmes, on est allé interroger le médecin. C’était la première fois qu’on parlait avec lui d’autre chose que de la maladie et de l’hôpital. »
Avis aux établissements qu'intéresserait cette échappée maritime. Les Matelots recrutent tous les services pédiatriques intéressés pour l'édition de juillet 2009. Au-delà, le Dr Chauve ne manque décidément pas d'ambition, qui rêve d'associer l'opération avec le prochain Vendée Globe, en partenariat avec des hôpitaux des DOM-TOM, en grandes vacances, pendant le tour du monde à la voile. Ses Matelots ont vocation à élargir les horizons et pas seulement hospitaliers. « La planète elle-même est malade, il faut la guérir, professe le médecin des skippeurs. Qui pourrait porter ce message avec plus de crédulité et d’enthousiasme que ces adolescents victorieux d’un combat pour la vie, la leur et la nôtre ? »
Christian DELAHAYE
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Source: Christian DELAHAYE, Le quotidien du Médecin, 20 mars 2009